Le régime juridique de la franchise au Québec

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Par Me Luc Audet

Le régime juridique de la franchise au Québec

Une des raisons rendant le Québec si attrayant pour les franchiseurs potentiels est l’absence de législation spécifique relative à la franchise. Alors que plusieurs autres provinces canadiennes ont adopté des lois imposant de divulguer certaines informations précises au futur franchisé, le Québec ne dispose d’aucun instrument législatif semblable.

Néanmoins, même si le Québec n’a pas de définition claire et précise de ce qu’est le franchisage, certaines provinces ou États en en développé une dans leur législation. C’est le cas des États-Unis qui ont développé une définition de ce qu’est une franchise par l’entremise de l’article 436.2 de la Federal Trade Commission. Cet article définit le franchisage comme étant une relation commerciale continue créée par une entente une personne ayant le rôle de franchisé qui distribue, offre ou vend des services ou biens qui font référence à une autre personne (le franchiseur) que ce soit par des marques de commerce ou une certaine façon de faire Art 436.2 FTC. Même si cette loi n’a pas juridiction au Québec, elle est relativement claire par rapport à ce qu’est la franchise en plus d’énumérer certaines obligations entre le franchisé et le franchiseur dont certaines très pertinentes telle l’obligation du franchiseur d’offrir une aide significative quant à la façon de faire dans les méthodes d’opérations.

Plusieurs provinces canadiennes ont adopté des lois protégeant les franchisés potentiels de litiges découlant de la conduite des franchiseurs avant la signature du contrat. Dans ce type de lois visant la protection de la partie plus vulnérable, un peu comme dans la Loi sur la protection du consommateur au Québec, on retrouve des clauses imposant une période de réflexion à l’entrepreneur désirant procéder à l’achat d’une franchise (14 jours) ainsi qu’une faculté de dédites si le franchisé ne livre pas le document de divulgation, présenté sous la forme d’un prospectus. Ce prospectus doit comprendre des informations précises concernant le franchiseur, afin de permettre à l’acheteur de la franchise de prendre une décision éclairée et de diminuer les risques de litiges. Par exemple on y retrouve l’historique de la société, l’expérience des administrateurs, les informations financières de l’entreprise, les frais reliés au projet, les cas d’échecs ou de fermetures de franchises dans le réseau, etc., bref une foule de renseignements qui ne seraient pas divulgués s’il n’était pas obligatoire de le faire...

Les provinces canadiennes s’étant dotées de lois sur le franchisage s’inspirent largement de la loi américaine tout en différent quelque peu les uns des autres. Autant la loi albertaine que la Loi Arthur Wishart de 2000 (Ontario)8 7 Alberta Franchise Act 8 Loi Arthur Wishart de 2000 spécifient qu’une franchise doit inclure des éléments d’associations tels des marques de commerce, un logo ou autre moyen pour le public d’associer le franchisé avec le franchiseur. Une franchise est aussi caractérisée par des paiements périodiques du franchisé au franchiseur que nous pourrions qualifier de royautés.

Au Québec c’est plutôt le Code civil du Québec. Quelques obligations y sont codifiées, notamment celle imposant aux parties d’agir de bonne foi, mais la plupart ont été édictées par la jurisprudence ou seront stipulées au contrat par les parties.

Bien qu’il n’y ait pas de lois spécifiques, le domaine de la franchise touche indirectement à plusieurs secteurs qui eux sont réglementés par des lois statutaires. En ce qui concerne les relations entre le franchisé et ses employés, la Loi sur les normes du travail trouvera application. Puisque le concept et la marque de commerce constituent un élément important du franchisage, les lois fédérales relatives à l’enregistrement, publication et tout ce qui a trait à la propriété intellectuelle seront pertinentes. Il en est de même pour les lois de nature fiscales, les lois corporatives de la province, les lois régissant la publication légale, les lois municipales concernant l’affichage dans un territoire donné ainsi que la Charte de la langue française.

Souvent, les contrats de franchise préciseront les heures d’ouverture de la franchise. Cependant, il faut garder en tête qui la Loi sur les heures et les jours d’admission dans les établissements commerciaux s’applique et qu’elle prévoit des périodes où un commerce ne peut être ouvert. Par ailleurs, l’article 28 de cette loi veut que toute clause prévoyant qu’un exploitant s’oblige à admettre des personnes du public hors des heures y mentionner soit sans effet.

Pour pouvoir comprendre ce qu’est une franchise, il est important de comprendre la nature juridique du contrat qui en jette les bases. Ce sujet demeure le terrain de plusieurs controverses au Québec entre différents auteurs de doctrines et plusieurs juges à savoir si le contrat de franchisage est un contrat de gré à gré ou plutôt un contrat d’adhésion. Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1979 du Code civil du Québec :

« Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigée par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées.

Tout contrat qui n’est pas d’adhésion est de gré à gré Art 1379 CCQ 10 JE 2004-473 CS . »

En fait, nous sommes en présence d’un contrat d’adhésion quand une des deux parties impose son contrat à l’autre sans que ce dernier n’ait réellement la chance de discuter les termes de l’entente et n’ait comme seul réel pouvoir d’accepter ou de refuser l’offre. Un exemple relativement simple de ce type de contrat dans la vie de tous les jours serait le contrat entre un particulier et une compagnie de cellulaire : le client ne fait que signer un contrat qui a déjà été rédigé qui sert à tous les autres clients et auquel on ne peut changer aucune clause.

Dans la décision 9069-7384 Québec inc. Et al. c. Le Superclub Vidéotron Ltée, le juge arrive à la conclusion que le contrat de franchise ne serait pas un contrat d’adhésion, mais plutôt de gré à gré, car chaque contrat de franchisage est unique en soi et il est toujours possible de discuter certaines clauses. En effet, il est fortement recommandé à un potentiel franchisé de consulter un professionnel tel un avocat pour réviser le contrat et être à jour dans ses droits et obligations potentiels. Cela permet entre autres d’éviter de signer sans en être conscient un contrat abusif envers le franchisé. Il est malheureusement déjà arrivé par le passé qu’un nouveau franchisé signe un contrat lui étant défavorable qui possède une clause de résiliation qui donne la possibilité au franchiseur d’annuler le contrat de façon unilatérale sans aucun motif valable nécessaire !

Bien qu’une clause du genre soit très sévère, elle est tout à fait légale puisqu’un adulte qui signe un contrat est tenu de respecter son engagement et cela dans la mesure où son consentement n’a pas été vicié. Même si la clause de résiliation créée une lésion au contractant, elle ne vicie pas le consentement du franchisé puisqu’il pouvait très bien la consulté dans le contrat avant de signer l’entente et, car selon l’article 1405 du Code civil du Québec, la lésion ne vicie le consentement qu’à l’égard des mineurs et des majeurs inaptes. Il existe plusieurs types de clauses auxquelles un franchisé doit faire attention, mais nous y reviendrons dans les chapitres consacrés au contrat de franchise.