Que peut faire un franchiseur en cas de conflit entre les actionnaires de l’un de ses franchisés?

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Par Me Jean H. Gagnon

Que peut faire un franchiseur en cas de conflit entre les actionnaires de l’un de ses franchisés?

La gestion et l’exploitation d’une entreprise franchisée exigent énormément de temps et d’énergie de la part du franchisé et, aussi, plusieurs entreprises franchisées exigent des ressources financières qui ne sont pas à la portée d’une seule personne.

Pour ces raisons, et encore plus dans le cas de franchisés de générations plus jeunes (générations X, Y, etc.), des franchiseurs se retrouvent de plus en plus souvent avec des franchisés composés de plusieurs associé(e)s ou actionnaires.

Ceci présente plusieurs avantages, mais aussi un risque : celui d’une mésentente, voire d’un litige, entre les associé(e)s ou actionnaires d’un franchisé.

Dans ma pratique professionnelle comme avocat, médiateur et arbitre, je suis consulté de plus en plus souvent pour des problèmes de ce type.

Un différend entre associé(e)s ou actionnaires d’un franchisé peut souvent avoir de graves conséquences sur la performance du franchisé, sur ses relations avec ses employés et avec le franchiseur et, dans quelques cas, peut paralyser le processus de prise de décision au sein du franchisé. J’ai même été témoin de quelques cas où de tels différends ont ultimement entraîné la faillite du franchisé.

Un franchiseur peut-il faire quelque chose pour prévenir ou éviter de telles difficultés ou, à tout le moins, pour en minimiser l’impact sur le fonctionnement du franchisé, sur sa relation avec ce franchisé ou sur son réseau?

Il s’agit là d’un sujet délicat puisqu’il y a toujours un risque que, en s’impliquant dans un différend entre actionnaires d’un franchisé, le franchiseur se fasse par la suite reprocher son intervention, ainsi que ses intentions (réelles ou supposées), devant un tribunal dans le cadre d’un éventuel litige.

Voici six conseils pratiques afin de prévenir et gérer un tel risque :

  • Vérifier la compatibilité et la complémentarité des nouveaux associés

Lors du processus de qualification d’un nouveau franchisé comptant plus d’une personne, il serait pertinent pour le franchiseur d’aussi vérifier la compatibilité et la complémentarité entre les associés.

Ce peut aussi être là une bonne occasion pour le franchiseur de vérifier si chacun des associés comprend bien son rôle et ses responsabilités, s’ils sont vraiment tous d’accord sur le plan d’affaires du franchisé, s’ils comprennent bien et acceptent tous les risques inhérents à la franchise et si leurs objectifs sont compatibles et réalistes.

  • Stipuler des clauses appropriées dans votre contrat de franchise, notamment afin de prévoir le recours obligatoire à la médiation et à l’arbitrage

De plus en plus de franchiseurs stipulent dans leur convention de franchise quelques clauses leur permettant d’agir de manière plus efficace en cas de problème entre les associés d’un franchisé.

Plusieurs clauses peuvent s’avérer utiles pour prévenir et gérer un tel risque dont, parmi bien d’autres, une clause de contrôle obligatoire, une clause de dirigeant désigné, une clause exigeant une convention entre actionnaires, etc.

Plus important encore, un franchiseur ne veut surtout pas qu’un conflit entre des actionnaires d’un franchisé se retrouve sur la place publique, notamment en raison de procédures judiciaires.

Afin de prévenir une telle situation, la convention de franchise peut prévoir que tout différend, conflit ou litige entre des actionnaires ou associés d’un franchisé doit obligatoirement être soumis à une médiation et, en cas d’échec de celle-ci, à un arbitrage, plutôt qu’aux tribunaux.

  • Assurez-vous que les associés ont des ententes complètes et bien rédigées entre eux

Que la convention de franchise stipule, ou non, une clause à cet effet, le franchiseur peut s’assurer auprès de son franchisé que ses associés ont bien fait rédiger et ont signé entre eux une convention entre associés ou actionnaires.

Bien qu’il soit quelque peu risqué pour un franchiseur de m’immiscer dans le contenu de cette convention, il peut cependant sensibiliser les associés du franchisé à son importance, aux clauses qui devraient s’y trouver et à l’importance de faire appel à un professionnel compétent et expérimenté dans la rédaction de telles conventions.

  • Assurez-vous de la primauté de la convention de franchise sur les ententes entre associés

Bien que, comme je le mentionne plus tôt, il soit risqué pour un franchiseur de s’immiscer dans le contenu d’une convention entre les actionnaires d’un franchisé, il peut fort bien exiger, par une clause à cet effet dans son contrat de franchise, que cette convention entre actionnaires comporte obligatoirement certaines clauses dont, plus particulièrement, une clause à l’effet que, dans tous les cas, les dispositions de la convention de franchise ont préséance sur celles de la convention entre actionnaires et que toute transaction d’actions ou autres intérêts dans le franchisé, même entre ses associés ou coactionnaires, ne peut être faite que conformément aux dispositions de la convention de franchise.

  • Obtenez des engagements personnels de chaque associé

Une excellente façon d’obtenir une collaboration des associés et actionnaires d’un franchisé aux efforts du franchiseur afin de les aider à régler rapidement et efficacement tout différend entre eux consiste à obtenir de chacun d’eux (même de ceux qui ne seront pas actifs dans l’exploitation de l’entreprise franchisée), au moment de la signature de la convention de franchise, leur engagement personnel à en respecter toutes les clauses et toutes les conditions.

  • Consulter rapidement un expert

Si, malgré vos précautions et vos efforts, un différend sérieux survient entre les associés ou les actionnaires d’un franchisé, un conseil pratique et important pour le franchiseur est de faire rapidement appel à un expert en la matière.

Il s’agit en effet là de situations fort délicates dans lesquelles un franchiseur peut, sans le vouloir, engager rapidement sa responsabilité s’il pose quelque geste inapproprié ou, inversement, s’il omet de poser, en temps opportun, un geste approprié.

À ce propos, il serait aussi utile de prévoir, dans votre convention de franchise, une clause stipulant l’obligation pour le franchisé de rembourser au franchiseur tous les honoraires et autres frais engagés par le franchiseur lorsque ce dernier doit faire appel à quelque conseiller juridique ou autre expert aux fins de quelque difficulté impliquant, ou touchant, le franchisé.